La pertinence des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour une entreprise en situation de non-performance financière n’est pas entièrement nouvelle. Par exemple, l’annonce et l'explication des plans de retournement, que ce soit par les managers ou les conseils de l’entreprise, invoquent la plupart du temps des arguments non financiers pour emporter l’adhésion. En soutien au business case financier, sont notamment mis en avant la sauvegarde de l'emploi ou l’utilité sociale de l’activité, les bénéfices pour la communauté ou la contribution à la souveraineté nationale ou européenne.
L’ESG devient de plus en plus un avantage lors de la levée de capitaux, étape quasi-obligée pour les groupes en phase de redressement. Nous le constatons au quotidien dans notre activité de business recovery : le dénouement de la grande majorité de nos missions passe soit par l'arrivée d'un nouvel actionnaire, soit par une réorganisation du bilan, soit a minima par un refinancement. Or, les investisseurs sont de plus en plus sélectifs et font de l’ESG et de la RSE des critères discriminants :
In fine, nous constatons que les activités sous-performantes mais qui peuvent démontrer leur durabilité et sont bien gouvernées ont plus de chance d’intéresser des investisseurs.
Enfin, les dispositifs d’investissement publics mis à disposition (entre autres) des entreprises en retournement sont eux aussi orientés en faveur des émetteurs engagés sur les questions ESG et/ou perçus comme contribuant à la transition énergétique.
Dans le cadre d’une revue financière (Independent business review, ou IBR), la question de la maturité ESG des groupes se pose de plus en plus. Dans ce cas, l’IBR intègre une approche, comme la méthodologie ESG quick check développée par PwC, permettant aux lecteurs de nos rapports d'avoir un premier regard sur la question. Lors de la revue, c’est également le moment de relever les signaux ESG qui invitent à la prudence.
Selon la derrière Global Private Equity Responsible Investment Survey de PwC, les sociétés interrogées dans l’Hexagone témoignent de la place importante prise par l’investissement responsable à chaque étape du processus d’investissement :
62 % des répondants indiquent prendre systématiquement en compte les considérations ESG durant la phase de pré-acquisition.
78 % considèrent la performance ESG des investissements potentiels comme étant en phase avec la recherche de rendement au moment de la décision d’investissement.
Pendant la période de détention, la totalité des répondants basés en France intègrent les considérations ESG dans le suivi de leurs sociétés de portefeuille.
67 % des investisseurs intègrent l’ESG dans la préparation de la sortie de l’actif (vs. 55 % en 2020).
La recherche de financement peut conduire une entreprise à séparer ses activités dites vertes (durables mais gourmandes en capitaux) de ses activités dites grises (encore cash positive mais en déclin). Par exemple, Renault a rassemblé dans sa nouvelle filiale HORSE, lancée en juillet 2023, le savoir-faire industriel et les actifs du groupe dans le domaine des groupes motopropulseurs hybrides et à faibles émissions.
Dans les secteurs qui consomment beaucoup d’énergie ou dont les processus sont fortement émetteurs de CO2, comme les industries du ciment ou de l’acier, la transition énergétique percute les business plans et influe sur les choix lors de l'établissement des plans d’investissement. Il convient en particulier de prendre en compte d’une part les coûts prévisionnels de l’énergie et les futurs droits à émission, d’autre part, la recherche d’efficacité énergétique croissante et le raccourcissement du ROI des projets industriels de décarbonation.
Cela conduit à des besoins nouveaux en expertise. Par exemple, des groupes profitent de missions d’optimisation des achats pour se donner les moyens de mieux mesurer et maîtriser leurs émissions de CO2.
“La maturité ESG est un capital. Prospère ou financièrement challengée, l'entreprise de demain doit investir pour gagner en maturité ESG. Disposer de cet actif peut s’avérer utile voire critique en cas de crise, pour préserver la valeur lorsque l’entreprise a besoin du soutien bienveillant de son environnement.”
La maturité ESG ne s’acquiert pas en quelques mois, et encore moins au milieu de la tempête. Elle nécessite, au-delà des plans d’action et des check-lists, un processus d’acculturation du leadership et des équipes qui ne s’improvise pas. Les groupes prospères peuvent anticiper en intégrant leurs ambitions ESG dans leur stratégie globale. Ils s’assurent ainsi de pouvoir se présenter sous leur meilleur jour lors de leurs futurs refinancements.
Investir dans la performance globale doit être vu comme un moyen de transformer le modèle d’affaires de l‘entreprise pour in fine accroître sa résilience. C'est déjà une préoccupation des dirigeants français, puisque 60% d’entre eux estiment dans la CEO Survey 2023 de PwC que, sans changement de stratégie, le modèle d’affaires de leur entreprise ne sera plus viable d'ici 10 ans.
Associé, Value preservation Services leader, membre du conseil de surveillance, PwC France et Maghreb